Ce mercredi 5 juin 2024, la commission des Affaires économiques du Sénat s’est réunie afin d’examiner le projet de loi « pour développer l’offre de logements abordables » du ministre du Logement Guillaume Kasbarian. Au total, 200 amendements ont été déposés sur le texte par les rapporteurs, dont 155 différents qui ont profondément modifié le texte de départ. Voici ce qu’il faut retenir !
Intervention de la commission des Affaires économiques sur le projet de loi
Contre toute attente, le premier examen parlementaire s’est soldé par un refus majoritaire, le projet de loi étant considéré comme « Sans vision stratégique » et « collectionnant les mesures techniques de faible portée ».
Voici les points principaux soulignés par la commission.
Un manque de stratégie pour le logement dénoncé
L’objectif du projet de loi est de promouvoir le logement intermédiaire afin de faire face aux problèmes de logement des classes moyennes. Pour la commission, la proposition de loi ne prend pas en compte le fait que les classes moyennes ont principalement pour objectif de devenir propriétaires de leurs logements. Elle souligne également que le gouvernement a retiré l’APL-accession depuis 2017 et limité l’utilisation du prêt à taux zéro.
Le gouvernement affirme souhaiter encourager l’investissement dans le logement abordable, mais aucune des mesures de ce texte ne compense la diminution du loyer de solidarité (1,3 milliard d’euros par an), ni l’augmentation de la TVA dans le parc social, ni même la suppression du « Pinel » pour l’investissement locatif dans le parc privé.
14 articles soulignés comme insuffisants
Le 1er article fait l’objet de critique, intégrant les logements intermédiaires uniquement dans le flux de rattrapages et non pas dans le stock de logements sociaux. Ce qui produit « un effet d’éviction à court terme sur le logement social, d’un maximum de 9 000 logements par an, et d’une augmentation de ses objectifs de production à long terme, par l’accroissement du nombre des résidences principales. ».
Les articles 7 et 9 sont des dispositions techniques destinées à simplifier les activités de promotion immobilière des bailleurs sociaux, en particulier avec les acteurs privés. Le texte des articles parle de sociétés civiles spécialisées dans la construction et la vente, de VEFA inversée, de vente en démembrement de propriété, d’avances en compte courant à des filiales ou de développement du LLI.
Pour la commission, ces mesures spécifiques n’auront qu’un effet restreint. Par exemple, Action Logement considère que la vente en démembrement ne devrait générer que 500 logements par an. De la même manière, l’augmentation du pourcentage de LLI détenus par des bailleurs sociaux de 10 % à 20 % ne sera pas prolongée, le taux moyen étant actuellement inférieur à 3 %.
L’article 8 est également visé du fait qu’il autorise les bailleurs à augmenter les loyers des logements anciens à hauteur des neufs en cas de relocations et sans conditions. Bien que cette mesure pourrait générer 95 millions d’euros de recettes supplémentaires dès 2025 et 1.2 milliards d’ici 15 ans.
Les autres articles visés et rétorqués par la commission sont les suivants :
- Articles 10 et 13 : visent à faciliter le logement des salariés en accordant une délégation sous condition à Action Logement
- Articles 11 et 12 : visent à inciter les locataires du parc social à la mobilité via le surloyer et la remise en cause du droit au maintien dans le logement
- Articles 14 : simplifie à la marge les ventes HLM en dehors des conventions d’utilité sociale (CUS), en supprimant l’autorisation du préfet pour la confier aux maires
Contrepropositions de la commission sur le texte de loi pour le logement abordable
Logements sociaux : plus de responsabilités aux mairies
Concernant l’article 2 sur les pouvoirs d’attribution aux maires, les rapporteurs renforcent de nouveau l’idée que les maires aient un vrai pouvoir d’opposition motivée fondée sur la cotation de la demande et de l’état du parc de leur commune.
Toujours sur la même problématique dans l’article 14 sur les ventes HLM, la commission souhaite de soumettre toutes les ventes à l’avis conforme du maire, y compris dans le cadre des CUS.
Urbanisme : simplifier les procédures pour croître les constructions
Sur ce volet, la commission a voulu enrichir la relance de la construction et simplifier les démarches, jugée insuffisant dans le texte initial. Les articles 4, 5 et 6 ont été renforcés pour permettre une meilleure communication entre les différents acteurs en amont, afin de réduire les délais d’instruction et les risques de recours.
Cela inclut la création d’une conférence de pré-instruction avant la demande de permis de construire, un « certificat de projet » et la possibilité d’utiliser plus largement la consultation électronique au lieu de l’enquête publique pour les projets de logement en zones tendues.
Dans une optique de donner plus de marge de manœuvre aux maires face à la crise du logement, la commission a étendu à tout le territoire les possibilités de dérogations au PLU, actuellement limitées aux zones tendues.
Elle a également adopté des amendements pour rationaliser les obligations de places de stationnement, un obstacle majeur pour les maires dans la production de logements, notamment sociaux. De plus, des mesures ont été proposées pour permettre aux porteurs de projets d’anticiper les avis des ABF dans les secteurs protégés, et à ces derniers de mieux considérer les impératifs d’accès au logement.
Législatives 2024 : quid du texte de loi ?
Suite à l’annonce surprise du président de la République de dissoudre l’Assemblée Générale en réponse aux résultats des élections européennes ce dimanche 9 juin 2024, de nombreuses questions subsistent autour des projets en cours de vote au Parlement. C’est notamment le cas du projet de loi sur le logement abordable.
La lecture à l’Assemblée nationale devait commencer le 18 juin ce qui n’aura finalement pas lieu. Le futur du projet de loi est donc suspendu jusqu’aux prochaines élections législatives le 30 et 7 juillet prochain.
Source : https://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjl23-573.html